mardi, avril 05, 2005



Aujourd'hui, j'ai assisté à un cours de français.

Ne me regardez pas avec ces yeux là, hé ho, bien sûr que je vais en cours chaque jour que dieu fait, et NON je ne sèche jamais (je rappelle pour ceux qui ne suivent pas qu'à défaut de l'égo c'est ma bonne conscience qui est surdimensionnée), même si j'en aurais bien envie des fois - ma prof de français est tout simplement horripilante, insupportable, à chier, quoi.

Je ne vous avais jamais parlé de Cruella ? Non, vraiment ? Vous êtes sûrs ?
Quel dommage.

Je vous la fais courte, alors.
Bien.
Il était une fois, au pays des enseignants, monde édulcoré où les éléphants sont roses et les pissenlits violets à pois jaunes, une femme d'un âge indéfinissable.
Elle avait l'échine pliée en deux, et traînait de la patte lorsque la fatigue l'accablait. Les rides profondes qui marquaient son front et le haut de son nez accusaient sa mauvaise humeur constante, et ses yeux de caméléons, qui échappaient visiblement à sa commande, s'amusaient à loucher en tout sens comme pour scruter d'un même coup d'oeil les toiles d'araignées qui décorent lesa ngles des plafonds des salles de classe. De sa nuque et de l'arrière de ses oreilles s'échappaient des cheveux noirs comme du vieux charbon dont la texture semblait s'apparenter à celle du crin du cheval.
Toujours vêtue de noire, enfermée sur elle-même, elle avait pour affreuse manie de porter à sa bouche frippée ses lunettes. Elle les posait sur son nez. Puis les ôtait d'un geste qui se voulait grâcieux mais qui la rendait ridicule. Elle les mâchouillait, un peu, puis les replaçait devant ses yeux. Puis les remettait en bouche. Puis les reposaient sur son nez. Inlassablement.
Ses mains ridées dont la peau ondulait de vieillesse vous apparaissaient alors, et les ongles aiguisés comme autant de couteaux au bout de ses mains crochues vous faisaient trembler d'effroi. Identiques aux serres du corbeau, ses doigts s'emparaient de votre copie d'un geste brusque qui vous ôtait d'un coup d'un seul votre sourire et votre bonne humeur.
Elle avait la voix haut-perchée et agaçante : elle couinait en réalité plus qu'elle ne parlait. Certains braves s'aventurèrent même à comparer la douce mélodie qui jaillissait du puissant organe de la Créature aux grincements d'une porte rouillée.

Quand elle entrait dans une pièce, les oiseaux cessaient de siffloter, la brise printanière de chanter dans les feuilles des arbres, le soleil de briller. Quand elle marchait, la vie disparaissait sous chacun de ses pas; les fleurs fanaient, le ciel s'assombrissait. Les ténèbres l'accompagnaient, où qu'elle aille.


Rejetée de tous, elle vivait isolée du monde civilisé et se gargarisait de littérature. Zola, Platon, Verlaine,.. Tous les grands de la plume lui tenainet compagnie : elle ne vivait qu'avec eux et à travers eux.
Le jour -terrible- où elle eut fini d'engloûtir tous les romans, tous les essais philosphiques, tous les recueils de poèmes, tout le théâtre qui avaient pû lui tomber sous la main, elle se posa la question, fatale question, de l'aménagement de son avenir - de sa vie.
Comment allait-elle occuper ses journées, à présent qu'elle avait tout lu, tout digéré ? Que faire ?

Elle n'eut pas à chercher bien longtemps la réponse.

Elle deviendrait Professeure. Professeure de Lettres.
Pour pouvoir ruiner la scolarité de milliers de jeunes adolescents. Pour le plaisir de les voir massacrer la littérature française et la jouillissance absolue que de le leur faire remarquer lui apporterait.

Pour les humilier, et les voir souffrir.


***

Bref.
La dame décrite ci-dessus, vous l'aviez compris, c'est ma prof de français (oserez-je un effronté "hélas"?).

J'ose : hélas.

Donc bon, on fait avec hein. On s'habitue à ses cours de merdes, ou plutôt, que dis-je ? à l'absence de cours. Le néant, quoi.
Sa technique, à elle, c'est de nous faire lire un bouquin, puis de nous commenter à l'arrache des bouts de ce bouquin, et demerde-toi avec ça. Des fois elle nous file des fiches méthodes incompréhensibles, aussi. Ah, et elle nous dicte le corrigé des inter.
Désorganisée, brouillon, pas claire, emmêlée. Je ne vois pas comment vous l'expliquer autrement. C'est simple, au début du cours, elle vient me voir pour me demander ce qu'on a fait l'heure précédente. Il lui est déjà arrivé de recommencer trois fois le même cours, sans se rendre compte que nous l'avions déjà fait. Dans le même style, elle en a déjà aussi complètement zappé, nous affirmant que OUI nous avions vu ce truc et ce muche, et que ça DEVAIT être une compétence acquise.

Aha.
Ahahahahaha.

Oui parce qu'en plus, elle a un sens de l'humour non-négligeable.
-> De merde.

Mais dieu existe : absente toute la semaine, la vieille. Et dieu existe encore plus : nous avons eu droit à une remplaçante.
Oh, pas non plus une mââââârveilleuse prof, pas la perle rare, non. Mais une prof normale. Juste normale.
Vous n'imaginez pas le bien que ça fait, de se sentir prise en main, guidée. Quand vous voyez où votre professeur veut en venir et que les cours s'enchaînent dans une logique absolue.

A l'instant où elle s'est écriée "taisez-vous maintenant, bon sang! et écrivez le titre de la leçon", un frisson de plaisir m'a parcouru le dos.
Le titre de la leçon.
Mon dieu. Un titre PLUS une leçon, on n'en demandait pas temps !


Epilogue.
La moche revient à la rentrée.

Je veux mourir.