lundi, juin 19, 2006


impressions

Epinglons les sensations avant qu'elles ne nous glissent entre les doigts
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vendredi soir
Dans une église perdue au milieu des ruelles de Colmar, la foule s'est rassemblée devant la croix du Christ. L'autel a été escamoté; c'est un piano laqué noir qu'on est venu adorer ce soir. Trônant sur l'estrade.
Des doigts virtuoses ont carressé son clavier, et son âme a vibré à chacun des accords plaqués avec fureur et mélancolie - oui, un piano peut vibrer, oui un piano a une âme ; collez votre oreille contre sa paroi et fermez les yeux : le piano est vivant.

La foule s'est levée, la foule a applaudi.

Le frétillement dans l'air, les étincelles dans les yeux, la foule a disparu.

Les chaises sont restées vides devant le piano trônant. Sauf une;
j'étais la dernière.

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Alors je suis restée assise, au fond de la salle, sur la dernière chaise du dernier rang. Noyée dans l'obscurité d'une église aux murs et aux sols encore saturés des déferlantes musicales, je me suis enracinée entre deux pilliers.
J'ai ouvert les yeux - il ne s'agissait plus d'un battement de paupière, mais de la lente ouverture du chemin de l'âme :

les réminiscences d'un concert troublant prennent à la gorge et des lambeaux de musique glissent sous la peau ; une lumière incertaine tremble sous les arcades ; les rayons de la lune ondulent à travers les vitraux et éclairent le plafond - arabesques écrues et bleues. Et le piano trônant, aussi seul que moi dans l'immensité de cette église désertée, contemple les larmes brûlantes qui tombent de mes yeux.


(Le temps d'ouvrir les portes célées et je me suis retrouvée les joues baignées de l'eau bénite de mes entrailles)

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Post Scriptum : empreindre à tout prix ma mémoire de ces particules de vie, instants éphémères,
sensations mouvantes et fugitives,
pour ne pas oublier.



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indulgence pitié
il est 23h45 et je sombre